L'Archipel des Canaries, constitué de 7 grandes îles et de quelques îlots d'origine entièrement volcanique, se trouve dans l'Océan Atlantique, à environ 100 km de la côte sud-ouest du Maroc. Communauté autonome de l'Espagne, cet archipel fait partie d'un ensemble biogéographique, la Macaronésie, comprenant d'autres îles et archipels ainsi qu'une petite partie de la côte occidentale de l'Afrique.
Trois de ces îles, Tenerife, la Grande Canarie et La Gomera, émergées il y a environ 10 à 15 millions d'années, sont devenues l'une des destinations touristiques les plus fréquentées d'Europe. Tenerife est dominée par le Volcan Teide qui culmine à 3718m. Pratiquement inactif depuis plus d'un siècle, quelques fumeroles témoignent cependant d'une certaine activité résiduelle de ce volcan enneigé une partie de l'année.
Le terrain volcanique, d'une part, et la température constante de cette région au climat subtropical, d'autre part, favorisent le développement sur ces îles d'une flore, en partie succulente, devenue endémique et souvent très localisée en fonction de l'ensoleillement et de l'hygrométrie ambiante. Citons notamment les Aeonium et Greenovia, certaines Euphorbes, les Ceropegia et les Kleinia, ou certains grands arbres comme les Lauriers et les Pins,… On ne compte plus le nombre de genres ou d'espèces qualifiés de 'canariensis'!
Durant 8 jours, nous avons séjourné à Puerto de La Cruz, sur la côte Nord de Tenerife, d'où nous avons rayonné pour des randonnées au cœur des parcs nationaux du Teide, du massif d'Anaga et du massif de Teno et Masca. Nous avons également visité les jardins Botaniques de La Orotava et celui de Icod de Los Vinos. Enfin nous avons passé une journée sur l'île de La Gomera réputée pour sa végétation presque luxuriante et ses villages colorés.
Cet article présente les observations et clichés que nous avons recueillis au cours de la visite de 3 jardins botaniques situés sur la côte Nord de Tenerife : Le Jardin d'Acclimatation à Puerto de La Cruz, le petit Jardin Botanique de La Orotava, et le Parque del Drago à Icod de Los Vinos.
Créé vers 1790, sur ordre du roi Carlos III d’Espagne, pour y acclimater les plantes du nouveau monde avant de les transférer dans les jardins royaux de Madrid et Aranjuez, ce jardin (dit de La Orotava, bien qu’il se trouve à présent sur le territoire de Puerto de la Cruz) fut en partie financé par les fonds personnels de Alfonso de Nava y Gramon, VIème marquis de Villanueva del Prado.
Grâce au jardinier suisse Hermann Wildpret (1834-1912), qui s’y est investi pendant 30 ans, la collection, d’abord modeste, s’est développée et enrichie jusqu'à obtenir, à partir du XIXème siècle, la reconnaissance scientifique auprès des botanistes, aussi bien que l'enthousiasme du grand public.
Aujourd’hui, ce parc splendide, aménagé avec goût, compte environ 3000 espèces, principalement tropicales et subtropicales, aux abondants feuillages frais et belles inflorescences colorées. De grands arbres, très âgés, aux dimensions impressionnantes, des tentures diaphanes de Tillandsias usneoides de plusieurs mètres de haut parfois suspendues à leurs branches, et des bassins aux eaux vertes, garnis de plantes aquatiques en fleur, donnent un caractère un peu féérique à cet espace, … dans lequel c’est un bonheur de flâner.
Parmi les genres et les espèces proposés, la part belle est faite aux Aracées (Arum, Anthurium, Monstera, Philodendron…), aux Broméliacées (Ananas, Bilbergia, Tillandsia, Vriesea …), aux Moracées (Coussapoa, Ficus…). Les Arécacées (Palmiers), les Cycas, les Dragonniers ou les Eucalyptus sont également bien représentés. Le caractère ombragé prédominant explique la faible implantation des espèces succulentes, en dehors de quelques Euphorbes et Aloes.
Il faut enfin souligner les activités scientifiques liées à ce jardin, qui abrite notamment un herbier de plus de 35000 échantillons de la flore canarienne, et s'attache à mieux connaître et préserver les espèces endémiques et leur environnement.
Poursuivre la visite dans la Galerie photos du Jardin d'Acclimatation
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A 5km au sud de Puerto de La Cruz, se trouve La Orotava, une ville très pittoresque de 40000 habitants à l'architecture coloniale bien conservée. Le long des rues pavées, étroites et pentues du centre historique, on peut admirer les célèbres balcons suspendus en bois sculpté.
Les balcons suspendus en bois sculpté, bien entretenus, contribuent à maintenir dans cette ville un cachet colonial typique. La 'Maison aux Balcons', construite au XVIIème siècle, abrite un beau musée artisanal où l'on peut voir notamment les célèbres dentelles canariennes.
Les balcons suspendus en bois sculpté, bien entretenus, contribuent à maintenir dans cette ville un cachet colonial typique. La 'Maison aux Balcons', construite au XVIIème siècle, abrite un beau musée artisanal où l'on peut voir notamment les célèbres dentelles canariennes.
De nombreux toits sont colonisés par des Aeonium, sans doute holochrysum, vigoureux et fleuris, qui ornent les génoises.
Deux clochers graphiques et colorés, visibles de nombreux points de la ville, surmontent la vieille église baroque de Nuestra Señora de la Concepción. Presque entièrement rénovée, elle a conservé sa vieille façade en pierres grises sur laquelle se cramponnent d'étranges gargouilles en poste de vigie...
En grimpant vers le haut de la ville on découvre une jolie place fleurie, sur laquelle trônent 2 imposants dragonniers, déjà bien avancés en âge, au port étrangement différent.
L'un a manifestement attendu fort longtemps sa 1ère, puis sa 2ème floraison et donc sa 1ère et sa 2ème division de branche. Comme pour rattraper le temps perdu, il s'accorde le luxe de développer au sommet d'un tronc immense, 2 têtes jumelles à longs cous, parfaitement sphériques pour le moment, qui lui donnent un aspect insolite.
L'autre s'étale en largeur avec une magnifique ombrelle de houppiers bien verts et une architecture dichotomique bien équilibrée.
L'un a manifestement attendu fort longtemps sa 1ère, puis sa 2ème floraison et donc sa 1ère et sa 2ème division de branche. Comme pour rattraper le temps perdu, il s'accorde le luxe de développer au sommet d'un tronc immense, 2 têtes jumelles à longs cous, parfaitement sphériques pour le moment, qui lui donnent un aspect insolite.
L'autre s'étale en largeur avec une magnifique ombrelle de houppiers bien verts et une architecture dichotomique bien équilibrée.
A La Orotava, derrière l’Hôtel de Ville, on peut admirer un agréable petit jardin public de 4000 m2, créé à la même époque que le Jardin d'Acclimatation de Puerto de La Cruz, à l’initiative du même marquis de Villanueva. Initialement conçu comme un complément du Jardin Botanique principal, il relève de la même administration et constitue aujourd'hui une annexe, comme son nom, 'Hijuela del Botanico', l'indique.
On y trouve d’étonnants spécimens de beaux et vieux arbres exotiques, (Ficus, Dragonnier, Erythrine,…), ainsi qu'une importante collection de Fougères arborescentes.
Ci-dessous, deux exemples remarquables de vieux arbres dont le tronc à l'écorce tourmentée, plus ou moins colorée, présente un intérêt aussi bien botanique qu'esthétique.
Ce Lantana camara, originaire d'Amérique du Sud, semble bien être installé ici depuis fort longtemps, et les conditions climatiques de Tenerife sont manifestement idéales pour lui.
Le Ficus auriculata, natif de Chine, mais répandu en Asie, doit son nom d'espèce à sa feuille en forme d'oreille d'éléphant. On voit ici un sujet âgé, dont les branches basses, enchevêtrées, ne portent que des fruits. En effet chez cette espèce les fruits se concentrent sur les parties basses ou proximales des troncs et des branches, tandis que les feuilles, en quête de lumière, se développent aux extrémités. Cette plante dioïque, à fleurs mâles ou femelles, nécessite, comme tous les Ficus, une pollinisation par des insectes spécifiques, ne s'activant dans ce cas que sur l'espèce F. auriculata.
Ce Lantana camara, originaire d'Amérique du Sud, semble bien être installé ici depuis fort longtemps, et les conditions climatiques de Tenerife sont manifestement idéales pour lui.
Le Ficus auriculata, natif de Chine, mais répandu en Asie, doit son nom d'espèce à sa feuille en forme d'oreille d'éléphant. On voit ici un sujet âgé, dont les branches basses, enchevêtrées, ne portent que des fruits. En effet chez cette espèce les fruits se concentrent sur les parties basses ou proximales des troncs et des branches, tandis que les feuilles, en quête de lumière, se développent aux extrémités. Cette plante dioïque, à fleurs mâles ou femelles, nécessite, comme tous les Ficus, une pollinisation par des insectes spécifiques, ne s'activant dans ce cas que sur l'espèce F. auriculata.
Sphaeropteris cooperi (Dicksoniaceae ou Cyatheaceae, selon les classifications), est une fougère arborescente originaire des régions humides d'Australie. Les frondes en crosses duveteuses de cette herbacée rhizomateuse, couvertes de poils brun-roux, peuvent se dérouler jusqu'à 2 ou 3m de long. Les jeunes tiges sont protégées par les bases ligneuses des anciennes frondes, et les tiges plus âgées sont tatouées de belles cicatrices foliaires ovales, grises ou brunes.
Sphaeropteris cooperi (Dicksoniaceae ou Cyatheaceae, selon les classifications), est une fougère arborescente originaire des régions humides d'Australie. Les frondes en crosses duveteuses de cette herbacée rhizomateuse, couvertes de poils brun-roux, peuvent se dérouler jusqu'à 2 ou 3m de long. Les jeunes tiges sont protégées par les bases ligneuses des anciennes frondes, et les tiges plus âgées sont tatouées de belles cicatrices foliaires ovales, grises ou brunes.
N'oublions pas les notes colorées apportées par les plantes basses, fleuries, qui se plaisent à l'abri des grands arbres et agrémentent la visite...
Impossible de ne pas présenter Echium simplex, cette Vipérine à fleurs blanches, très répandue sur l'île de Tenerife, et qui donne ici un peu de lumière au vieux Dragonnier du Jardin botanique.
Impossible de ne pas présenter Echium simplex, cette Vipérine à fleurs blanches, très répandue sur l'île de Tenerife, et qui donne ici un peu de lumière au vieux Dragonnier du Jardin botanique.
A noter, pour l'anecdote, que cette ville, avant de développer les bananeraies, vivait de l'élevage de la cochenille et de la production de la belle poudre rouge obtenue par séchage et broyage des insectes femelles. Après divers traitements et adjonctions de base, cette poudre servait à l’élaboration de teinture pour tissus. Dans l’industrie alimentaire, ce colorant naturel est désigné par le code E120.
Cette petite ville escarpée se trouve à une vingtaine de km à l'ouest de Puerto de La Cruz. Erigée par les conquistadors, elle conserve en grande partie son architecture coloniale qui s'organise autour de jolies places arborées très accueillantes.
La sobriété extérieure de l'église San Marcos, dont la construction débute au 16e siècle, ne permet pas d'imaginer le nombre de trésors (peintures, sculptures, objets en bois ou métal précieux, …) qu'elle abrite et qui en font un des lieux les plus visités de l'île. La petite place ombragée qui l'entoure permet de se reposer et de profiter de la vue plongeante sur le Parque del Drago.
Adossée au mur, une fontaine en pierre surmontée d'une vasque offre un contenant idéal à ce Colocasia esculenta (Araceae), plante de bassin nommée aussi 'Taro' ou 'Oreille d'Eléphant'. Ses feuilles, duveteuses et hydrophobes, sont toujours dirigées vers le bas; elle émet de nombreux stolons et ses tubercules sont comestibles.
La sobriété extérieure de l'église San Marcos, dont la construction débute au 16e siècle, ne permet pas d'imaginer le nombre de trésors (peintures, sculptures, objets en bois ou métal précieux, …) qu'elle abrite et qui en font un des lieux les plus visités de l'île. La petite place ombragée qui l'entoure permet de se reposer et de profiter de la vue plongeante sur le Parque del Drago.
Adossée au mur, une fontaine en pierre surmontée d'une vasque offre un contenant idéal à ce Colocasia esculenta (Araceae), plante de bassin nommée aussi 'Taro' ou 'Oreille d'Eléphant'. Ses feuilles, duveteuses et hydrophobes, sont toujours dirigées vers le bas; elle émet de nombreux stolons et ses tubercules sont comestibles.
Avant d'atteindre le Jardin qui abrite le fameux Dragonnier "millénaire", nous nous sommes attardés devant de beaux spécimens de Pandanus utilis (Agavaceae ou Pandanaceae, selon les classifications), aux fausses allures de palmiers.
On ne peut qu'admirer les faisceaux de racines adventices aériennes, parfaitement ordonnées en structures pyramidales, qui viennent étayer la base de ces arbres et pomper l'eau nécessaire à leur développement. Bien lisses et droites chez les jeunes sujets, elles s'épaississent et se ramifient avec l'âge.
On ne peut qu'admirer les faisceaux de racines adventices aériennes, parfaitement ordonnées en structures pyramidales, qui viennent étayer la base de ces arbres et pomper l'eau nécessaire à leur développement. Bien lisses et droites chez les jeunes sujets, elles s'épaississent et se ramifient avec l'âge.
Aux extrémités d'un treillis désordonné de branches écartées, les longues feuilles étroites, pouvant atteindre plus d'1m de long, sessiles, vert-bleuté bordées de fines épines rougeâtres, s'enroulent en triples éventails imbriqués évoquant des palmes sans pétiole.
En mai nous avons pu voir les gros fruits sphériques (syncarpes) composés de 100 à 200 grains (ou drupéoles), verts puis bruns, soudés à la base, et qui deviennent très fibreux en vieillissant.
Aux extrémités d'un treillis désordonné de branches écartées, les longues feuilles étroites, pouvant atteindre plus d'1m de long, sessiles, vert-bleuté bordées de fines épines rougeâtres, s'enroulent en triples éventails imbriqués évoquant des palmes sans pétiole.
En mai nous avons pu voir les gros fruits sphériques (syncarpes) composés de 100 à 200 grains (ou drupéoles), verts puis bruns, soudés à la base, et qui deviennent très fibreux en vieillissant.
On visite le Parque del Drago en cheminant sur de petits sentiers botaniques qui serpentent dans un terrain volcanique de 3ha aménagé en terrasses, où sont installées de nombreuses espèces représentatives de la flore endémique des Canaries.
On peut y découvrir notamment un secteur de Phoenix canariensis, 'Palmier des Canaries' ou 'Faux dattier', de différents âges, accompagnés de jeunes Dracaena draco, dont certains n'ont encore qu'une petite tête ébouriffée.
On peut y découvrir notamment un secteur de Phoenix canariensis, 'Palmier des Canaries' ou 'Faux dattier', de différents âges, accompagnés de jeunes Dracaena draco, dont certains n'ont encore qu'une petite tête ébouriffée.
Dans la partie basse du parc, un secteur plus humide est réservé aux Bananiers nains, Musa cavendishii (Musaceae). Cet hybride horticole, largement cultivé aux Canaries, est une forme naine (pas plus de 2m de haut) du célèbre bananier Musa acuminata. Ses fruits d'environ 10cm, sont verts, à peau fine, et très sucrés.
Et le long du parcours on observe des Euphorbes, des Aeonium ou des Vipérines, ainsi que des petites plantes fleuries, peu gourmandes en eau, qui apportent une touche colorée.
Les oiseaux se plaisent à cet endroit et nous avons pu voir de belles petites 'mésanges bleues de Tenerife' au ventre jaune vif, très intéressées par des touffes d'Aeonium suspendues aux murs d'enceinte du Jardin.
Que dire de ce vieux Dragonnier (Dracaena draco, de la famille des Dracaenacae ou Agavaceae, selon les classifications), qui attire des milliers de visiteurs depuis des siècles (son âge étant estimé entre 300 et 1000 ans selon les sources), sinon qu'il suscite l'étonnement et le respect par sa capacité à survivre dans ce petit espace aride.
Assurant, après chaque floraison, la division dichotomique de ses branches et le développement de nouveaux houppiers, il continue d'étendre ainsi son ombrelle encore bien verte.
Mais si l'on s'approche un peu plus près du stipe volumineux et tourmenté qui soutient cette énorme structure végétale, on relève plusieurs signes qui peuvent poser question : la dégradation en surface des parties ligneuses, la rupture de nombreuses racines aériennes dont il reste quelques vestiges à la base des branches basses, et les coulées de sève rougeâtre, le 'Sang du Dragon', dans les zones les plus dégarnies. Combien de temps encore les visiteurs du lieu pourront-ils fixer l'image traditionnelle de ce sujet exceptionnel, déclaré monument national en 1917 ?
Mais si l'on s'approche un peu plus près du stipe volumineux et tourmenté qui soutient cette énorme structure végétale, on relève plusieurs signes qui peuvent poser question : la dégradation en surface des parties ligneuses, la rupture de nombreuses racines aériennes dont il reste quelques vestiges à la base des branches basses, et les coulées de sève rougeâtre, le 'Sang du Dragon', dans les zones les plus dégarnies. Combien de temps encore les visiteurs du lieu pourront-ils fixer l'image traditionnelle de ce sujet exceptionnel, déclaré monument national en 1917 ?
Comme pour nous rassurer, de nombreux congénères de tous âges, les 'Gardiens du Drago', occupent les lieux, prêts pour la relève, et nous offrent en attendant une belle illustration des étapes de croissance de cette herbacée légendaire.
Rappelons enfin que cette espèce est actuellement menacée de disparition du fait, notamment, de sa lenteur de croissance et de la rareté de ses floraisons (parfois tous les 15 ou 20 ans). Mais aussi du fait des changements climatiques qui risquent de les mettre en danger sur ce territoire jusqu'alors propice à leur développement. Il incombe donc aux responsables locaux de favoriser la culture de cet arbre magnifique, ce qui semble bien engagé, et c'est plutôt rassurant…
Les photos présentées dans cette page ont été prises par P. Delarue et F. Harlay.
Elles sont classées par ordre alphabétique de leurs familles respectives.