CAP - Cactus Amateurs Provence
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CAP - Cactus Amateurs Provence
La Colombie occupe le Nord-Ouest de l'Amérique du Sud. Baignée à l'Ouest par l'Océan Pacifique et au Nord par la mer des Caraïbes, elle possède d'importantes frontières maritimes. Ses frontières terrestres la séparent de l'Equateur et du Pérou au Sud, du Venezuela et du Brésil à l'Est, et du Panama (indépendant de la Colombie depuis 1903) à sa pointe Nord-Ouest.
Trois cordillères andines, délimitées par deux profondes vallées fluviales, se déploient en éventail du sud-ouest du pays jusqu'à la côte Nord. De ce fait, la partie Ouest de la Colombie comprend des régions montagneuses volcaniques dont les sommets enneigés peuvent dépasser les 5000 m, et des plaines fluviales ou côtières plus vertes et humides. La partie Est de la Colombie, la moins peuplée, est constituée principalement de forêts amazoniennes et de savanes herbeuses appelées "Llanos".
La diversité géographique, géologique, ou climatique de la Colombie génère une diversification des écosystèmes, parfois très localisés, favorisant une biodiversité extrêmement riche, aussi bien pour la flore que pour la faune. La Colombie est actuellement le 2ème pays mondial le plus mégadivers.
Le département de Huila, au Sud de la Colombie, s'étire entre les deux chaines andines centrale et orientale. Creusé sur toute sa longueur par le Rio Magdalena, il englobe une zone riche en cultures agricoles de moyenne et haute altitude (riz, café, cacao, maïs, coton, canne à sucre,…), et bénéficie de diverses ressources minières exploitées en surface ou en sous-sol.
Au nord de Neiva, capitale de ce département, se trouve une zone aride de 330 km2, étrange et spectaculaire, ravinée et tourmentée, façonnée au cours des siècles par l'érosion : le Desierto de la Tatacoa auquel nous consacrons cet article.
Au cours de notre voyage en Colombie, nous nous sommes rendus dans le département de Huila, à 6 heures de route au sud de la capitale BOGOTA.
Trente kilomètres au nord-est de la ville de NEIVA, nous avons posé nos bagages dans un hôtel typique à VILLAVIEJA, petit 'pueblo colonial’ et porte d’entrée du désert de la TATACOA.
Le désert de La Tatacoa doit son nom à un serpent (couleuvre noire ou serpent à sonnettes, selon les sources), très présent dans la région, mais que nous n’avons heureusement pas rencontré. Situé à une altitude moyenne de 400 m, ce plateau parcouru de ravines, de failles et de dépressions, est constamment remodelé depuis des siècles par l’action conjuguée de l’eau et du vent. Le sol y recèle de nombreuses réserves de fossiles qui constituent un terrain de recherche privilégié, notamment pour les paléontologues.
Nous devons préciser que cette zone, qualifiée de "désertique", correspond davantage à une forêt tropicale sèche ou semi-aride, compte-tenu de la pluviosité et de la végétation. On ne peut en effet parler réellement de désert que si la pluviométrie annuelle n'excède pas 250 mm. Or cette région enregistre un indice de 500 à 1000 mm, correspondant à de fortes précipitations saisonnières sur des périodes restreintes. Cela favorise la prolifération de quelques espèces végétales peu exigeantes et le développement d'une faune diversifiée (72 espèces d'oiseaux, des petits rongeurs, des reptiles, ...).
La température moyenne y est de 13° la nuit et de plus de 40° en milieu de journée, et cela de façon à peu près constante au cours de l'année. Pour être arrivés sur les lieux un peu tard, en fin de matinée, nous avons pu vérifier la véracité de ces données !
Ce territoire occupe une surface totale d’environ 330 km2. Relativement petit, si on le rapporte à la surface de la Colombie, il est cependant constitué de deux zones géologiquement très distinctes : un secteur rouge "El Cuzco", et un secteur gris "Los Hoyos".
Evoquant les teintes et les reliefs d'un Colorado miniature, le sol y est de couleur rouge, liée à la présence d’oxyde de fer et d'argile. Et les reliefs chaotiques, monticules ou chandelles, alternant avec de profonds canyons en labyrinthes, sont en remodelage permanent au gré des intempéries. Un endroit insolite aux allures martiennes !
La végétation, héliophile et xérophyte, est principalement constituée de buissons peu gourmands, adaptés aux conditions arides, mais également d'une importante concentration de quelques genres et espèces de cactus : ce qui, bien évidemment, explique notre présence sur les lieux !
Nous avons notamment constaté l'implantation locale de 4 types de cactus plus ou moins bien représentés :
L'espèce sans doute la plus présente sur le site est le Stenocereus griseus. Pouvant atteindre jusqu'à 15 mètres de haut, ce cactus buissonnant se développe et se multiplie sans retenue, peu soucieux des reliefs accidentés. Sa floraison nocturne est abondante, mais ses fleurs blanches en forme de cloches ne durent que quelques heures et s'éteignent à la forte chaleur de la mi-journée. Une bonne partie de la faune locale (oiseaux, rongeurs, ...) trouve dans les fruits rouges du Stenocereus griseus une nourriture extrêmement riche, qui lui permet de résister aux conditions peu favorables de cette zone aride. Une des particularités de cette plante est que la pulpe des fruits peut être rouge vif ou verdâtre : il est reconnu (1) que les fruits à pulpe rouge proviennent de graines dispersées par les oiseaux, alors que les fruits à pulpe blanc-vert sont issus de graines dispersées par les chauve-souris.
Nous avons pu admirer de très hauts spécimens de Stenocereus griseus, candélabres ramifiés à la base ou sur un tronc court, qui dominent majestueusement les autres espèces végétales. Malgré le grand nombre de sujets gisant au sol, déracinés par des crues aussi soudaines que rares, la population de Stenocereus griseus ne semble pas en danger, si l'on en juge par le nombre important de jeunes plants qui repoussent rapidement.
Nous avons pu admirer de très hauts spécimens de Stenocereus griseus, candélabres ramifiés à la base ou sur un tronc court, qui dominent majestueusement les autres espèces végétales. Malgré le grand nombre de sujets gisant au sol, déracinés par des crues aussi soudaines que rares, la population de Stenocereus griseus ne semble pas en danger, si l'on en juge par le nombre important de jeunes plans qui repoussent rapidement.
Qualifié de "Chardon à l'aspect de melon" par les premiers explorateurs de l'Amérique Latine, le genre Melocactus se concentre presque exclusivement dans quelques pays des zones intertropicales américaines.
De forme plutôt globulaire et de petite taille (15 à 25 cm), le Melocactus curvispinus doit son nom d'espèce au fait que ses 6 à 10 aiguillons radiaux sont incurvés vers le corps de la plante. Au bout de 5 à 10 ans, se développe un "cephalium" apical : cet appendice cylindrique, plus étroit que le corps de la plante, est composé de laine blanche et d'un ensemble de soies et d'aiguillons rougeâtres, issus d'aréoles très serrées autour d'une tige centrale bien dissimulée. Pour cette espèce, le cephalium dépasse rarement 5 à 10 cm de hauteur. De cet appendice particulier sortiront des fleurs roses magenta en étoiles, puis de petits fruits "rose-fluo" en forme de massues, très prisés des oiseaux ou petits rongeurs.
Ce cactus se plaît dans cet écosystème, car il n'aime ni le grand froid, ni l'excès d'humidité, et redoute également la sécheresse extrême. Or ces conditions, associées à un ensoleillement optimal et à un sol poreux, sont rassemblées dans cette zone proche de l'équateur.
Sur une pente incertaine, que l'érosion semble prête à faire disparaître, cette belle cascade de Melocactus curvispinus illustre parfaitement la victoire de l'adaptation chez certaines espèces succulentes en conditions extrêmes.
De part et d'autre de ce vigoureux Melocactus curvispinus, on peut admirer, à sa gauche un vénérable spécimen orné d'un cephalium de taille imposante et, à sa droite, un vieux sujet paré de têtes multiples déjà bien couronnées, suite à un accident sur l'apex.
Sur une pente incertaine, que l'érosion semble prête à faire disparaître, cette belle cascade de Melocactus curvispinus illustre parfaitement la victoire de l'adaptation chez certaines espèces succulentes en conditions extrêmes.
De part et d'autre de ce vigoureux Melocactus curvispinus, on peut admirer, à sa gauche un vénérable spécimen orné d'un cephalium de taille imposante et, à sa droite, un vieux sujet paré de têtes multiples déjà bien couronnées, suite à un accident sur l'apex.
Le foisonnement et la vitalité de ces Melocactus curvispinus, alignés ici, comme en plates-bandes, pourrait évoquer un jardin public méthodiquement cultivé et entretenu ! Sentiment étrange dans cet environnement désertique.
L'Opuntia elatior est une espèce arbustive très robuste qui peut atteindre 3 ou 4 m de haut. Ses raquettes vert glauque, de forme oblongue, peuvent être plus ou moins allongées (jusqu'à 40 cm). Cette espèce est reconnaissable à ses belles fleurs rouges qui nécessitent le plein soleil pour orner les raquettes en grande profusion. Les fruits rouges ou violacés sont utilisés pour leurs différentes vertus nutritives et médicinales. Bien que moins présente sur le site que les Stenocereus ou les Melocactus, elle se plaît dans ce biotope car elle supporte bien la grande amplitude thermique quotidienne, et ne craint pas les accidents pluvieux ni la sécheresse. Importée dans nos régions où elle est plus connue sous le nom d'Opuntia bergeriana, elle y est actuellement classée comme invasive dans certaines zones.
Plantée sur ce monticule friable, comme en vigie, cette Opuntia elatior doit être ancrée là depuis pas mal de temps. Mais elle souffre manifestement du remodelage constant du terrain qui lui impose des conditions vraiment périlleuses. On peut voir ici les très longues racines, mises à nu par l'érosion, et qui s'accrochent par leurs extrémités au substrat incertain.
Moins spectaculaire, l'Acanthocereus tetragonus, également qualifié de trigonus ou de pentagonus, tant le nombre de côtes (3 à 5) peut être variable, est un cierge buissonnant, aux tiges étroites et plus ou moins retombantes au-delà d'une certaine longueur (2 à 3 m). Ces tiges peuvent présenter des zones d'étranglement qui leur donnent un aspect segmenté. Les aréoles rapprochées sont garnies d'aiguillons radiaux drus et érigés par groupes de 5 à 8 autour d'1 ou 2 robustes aiguillons centraux, ce qui lui vaut le nom de "cierge barbelé". Il se développe mieux à l'abri de quelques buissons qui lui apportent un peu d'ombre. Sa grande fleur blanche et nocturne, adaptée à la pollinisation par les chauve-souris, s'épanouit en entonnoir sur un long tube floral rigide et à l'aspect cannelé. Ses gros fruits rouges participent à alimenter la faune locale. Cette espèce est aussi dénommée Acanthocereus colombianus.
Nous avons pu constater que les Acanthocereus tetragonus, plus sensibles à la chaleur, se développent de préférence aux pieds de buissons broussailleux, afin d'y trouver un peu d’ombre.
Brusquement, le paysage se transforme et devient presque lunaire. Beaucoup plus vaste que le désert rouge, le secteur dénommé "Los Hoyos" se caractérise par sa couleur grise. Les reliefs y sont tout autant tourmentés, mais le sol y est totalement gris grâce à la présence de magnésie et de soufre. Ici on se prend à rêver de spectres ou de contes fantastiques. Par endroit, les reliefs deviennent plus doux, donnant aux volumes des airs de drapés fantomatiques. L'un des sites porte pour cela le nom de "Vallée des Fantômes". Ailleurs on se croirait dans un village déserté depuis des siècles mais encore intact. Autre différence frappante, la végétation y est quasiment absente, ce qui accentue le caractère irréel du lieu.
C’est un endroit magique, structuré par des formations semblables à des fantômes laissant vagabonder l’imagination de chacun.
Après cette visite sous un soleil brûlant, nous avons apprécié un bon bain dans une piscine au milieu de nulle part, alimentée par une source naturelle aux eaux très minéralisées.
Un petit bémol : il est un peu dommage que cette piscine soit bétonnée et peinte en bleu… Un aménagement et une mise en scène plus rustiques auraient mieux convenu à ce site ‘’perdu dans le désert‘’.
En conclusion, El Desierto de la Tatacoa, qualifié de "Vallée des Tristesses" par un conquistador explorateur au 16ème siècle, restera pour nous un site insolite plutôt réjouissant, que nous garderons en mémoire pour longtemps.
Pierre et André, Cactus Amateurs Provence.
1. Paolo Ramoni Perazzi (Avril 2004). The Cactus Stenocereus griseus (Haworth), 1812: An Interesting Case from the Point of View of Seed Dispersion Syndromes. Caribbean Journal of Science 40(1) Article (en Anglais) à télécharger au format PDF.